19e siècle : Agar et Ismaël

Auteur : Jean-Charles CAZIN (Samer, 1841 – Le Lavandou, 1901)
Date : 1880
Technique : Peinture
Dimension : Huile sur toile. H. 252 cm ; L. 202 cm
Lieu : Jardin des Prébendes d’Oé
Date d’acquisition : 1938
Numéro d’inventaire : D 1938-2-1/ RF 279

Cette grande toile est considérée comme le chef-d’œuvre de l’artiste qui fut également le directeur du musée et de l’école de dessin de Tours entre 1869 et 1871. Vision réaliste et émouvante d’un thème de l’Ancien Testament, l’œuvre de Cazin participe au renouvellement de la peinture religieuse à une période de remise en question du dogme chrétien au profit d’une approche plus scientifique de l’histoire humaine.

Dépôt de l’État (musée d’Orsay)
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©Ville de Tours – Musée des Beaux-arts, cliché D. Couineau

Une nouvelle vision de la peinture religieuse

Une Agar abandonnée par l’ange

L’histoire telle que la raconte l’Ancien testament est la suivante. Sarah, la femme du patriarche Abraham, est stérile. Elle demande à sa servante Agar de donner un héritier à Abraham. Un fils nait : Ismaël. Mais Sarah tombe miraculeusement enceinte de son fils Isaac, et chasse Agar et Ismaël du domicile. Errants dans le désert, promis à une mort certaine, ils sont secourus par l’ange envoyé par Dieu.

Dans le tableau de Cazin, nul ange ne vient soulager la détresse d’Agar qui se couvre le visage en signe de désespoir.

La scène se déroule dans un paysage plutôt verdoyant, très éloigné du désert palestinien, et les figures d’Agar et Ismaël pourraient aisément être des vagabonds ou des réfugiés.

Le récit est avant tout symbolique : la solitude dont souffrent Agar et son enfant, condamnés à errer dans le désert, bien que réelle, apparaît comme une solitude morale, résultant de l’isolement et du déracinement.

Un naturalisme chrétien ?

Présenté au Salon de 1880, ce tableau appartient à un groupe de peintures à sujets bibliques produites entre 1876 et 1883 dans lesquelles Cazin ambitionne de réformer la peinture religieuse par le naturalisme.

Le clergé de l’époque ne montre pourtant guère d’enthousiasme pour ce courant, au réalisme parfois rugueux. L’idéalisme et le classique restent aux yeux de nombreux chrétiens de la fin du 19e siècle le style le plus à même de représenter les sujets saints, rejetant le naturalisme considéré comme foncièrement matérialiste et athée. Pour les défenseurs de cette nouvelle peinture religieuse, l’histoire sainte gagne au contraire en humanité par l’ancrage dans des décors quotidiens, sans recours au surnaturel. Ils se réclament de l’exemple de Rembrandt, à l’image d’Henry Lerolle, un autre artiste présent dans les collections de Tours (Jésus chez Marthe et Marie, 1877).