L’industrie, sorcière moderne de la révolution industrielle
Jean Veber, l’antimoderne
Jean Veber connait la célébrité au début du 20e siècle comme caricaturiste, notamment pour des journaux comme L’Assiette au beurre, Le Rire ou encore L’Illustration. Patriote, catholique, antirépublicain, il exprime volontiers ses opinions politiques et sociales conservatrices dans une veine grinçante. Dans ce registre, Dynamis est l’une de ses œuvres les plus frappantes : l’industrie, incarnée par une femme démoniaque, prend un visible plaisir à broyer les ouvriers qui la servent, justifiant ce titre aussi sanglant qu’explicite : La Houille rouge.
L’usage par l’artiste d’une allégorie féminine rousse, nue et grimaçante s’inscrit dans un courant symboliste particulièrement misogyne qui dénonce la prise de pouvoir sexuelle et sociale des femmes sur les hommes. La femme fatale devient le démon qui prive l’homme de son libre arbitre par la séduction et la promesse de plaisirs sensuels. Dans Dynamis, cette sorcière moderne donne corps à une divinité moderne, l’industrie, qui réclame le sacrifice humain du prolétariat.
Un artiste bien représenté dans les collections de Tours
Le musée conserve un important fonds d’œuvres de Jean Veber, offert en 1938 par sa fille, avec l’entremise de Pierre Sicard, fils du grand sculpteur tourangeau François Sicard, qui était un ami proche de Veber. Parmi les 36 œuvres conservées, certaines s’inscrivent dans la même veine cruelle, comme La Boucherie (1897-1908) qui dépeint le chancelier Bismarck sous les traits d’un boucher sanguinaire amateur de chair humaine et créa un incident diplomatique en pleine montée de l’opposition avec l’Allemagne.