Réinventer la mythologie
Un condensé de mythes ?
Parmi les nombreuses entreprises de Thésée, le héroc grec qui resta célèbre pour avoir vaincu le Minotaure, figure celle où il affronta le monstrueux taureau qui ravageait la région de Marathon, libérant les Athéniens de cet animal redoutable.
Peu familier des sujets mythologiques, Maurice Denis choisit de représenter cette légende d’une manière très personnelle. Il y intègre par exemple une jeune femme enchaînée absente de l’histoire de Thésée, mais évoquant le récit de la délivrance de la princesse Andromède par Persée. Ce brouillage des codes de lecture des mythes antiques ne déplaisait pas au peintre qui donnait la prédominance aux motifs et aux couleurs plutôt qu’au sujet représenté.
« Une surface plane recouverte de couleurs »
Membre du groupe des Nabis dans sa jeunesse, Denis développe une théorie de l’art moderne qui libère la peinture de sa stricte représentation du réel pour aller à la fois vers une interprétation plus symboliste des couleurs et vers des représentations plus abstraites. Il publie ce credo, resté célèbre, en 1890 dans la revue Art & Critique : « Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. »
Dans Le Taureau de Marathon, l’accent est mis sur la lumière qui inonde l’espace et le découpe en contrastes intenses de rouge et de bleu. Les couleurs sont posées en aplats sans modelé, des cernes noirs bleutés venant comme détourer chaque élément de la composition. A ces lignes très structurées, s’opposent les corps souples des jeunes femmes qui affirment le goût pour l’arabesque qui parcourt toute l’œuvre de l’artiste.